Jolie histoire que celle de Monsieur Ricardo Volpellier (Argentin) racontée avec l’accord de celui-ci par moi-même, Eliane Albouy pour le site « Rouergue Pigüé ».
Anecdotes familiales étonnantes et récits captivants sur la vie à Pigüé au début du 20ème siècle.
Le début de ce témoignage pourrait commencer ainsi :
« Il était une fois une toile de peinture accrochée depuis des décennies dans la salle à manger d’une maison argentine »….
Cette maison, c’est celle de Ricardo Volpellier qui, intrigué par cette toile depuis l’enfance, décide un jour d’en savoir plus sur la vie de ses deux grands-parents français… Sa grand-mère aveyronnaise disait toujours que la toile représentait la place de la ville où elle était née. Joie ! Les recherches confirment les dires de la Mémé car Anastasie (dite Elisa) Carbonnet, née le 22/07/1876 en Aveyron, à Firmi et exactement à La Bessenoits (ou Bessenoit !), a vu le jour dans une maison qui existe encore aujourd’hui et qui se trouve sur la place de l’église. Les lieux n’ont pratiquement pas changé !
Ce retour dans le passé va s’enrichir peu à peu au fil des recherches, de la naissance d’Elisa à Firmi jusqu’à sa mort en Argentine à Bahía Blanca. Elisa à l’âge de 13 ans, son père, Carbonnet Pierre Jean, à 58 ans, sa mère, Panassié Marie, à 44 ans, et ses deux frères Jean Léon, 16 ans, et Pierre Jean Amans, 12 ans, émigrent en Argentine et arrivent à Pigüé en novembre 1889. Sa jeune sœur Marie (Palmire) Carbonnet ne rejoint les siens à Pigüé qu’à l’âge de 7 ou 8 ans.
Le père et le frère de Marie Panassié sont forgerons à La Bessenoits. Non sans émotion, Ricardo a pu voir les photos du travail de ferronnerie réalisé sur la porte de l’église avec en bonne place la signature « Panassié » !
La sœur d’Elisa, Palmire, vit quelques années chez son oncle Carbonnet avant d’émigrer à son tour. La chance sourit à nouveau à Ricardo car la maison existe toujours. Une belle et typique bâtisse de l’Aveyron avec son imposant porche d’entrée en bois, ses solides pierres de construction et son merveilleux toit de lauzes en écailles de poisson selon la tradition !
Ricardo garde un souvenir ému de sa grand-mère Elisa dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle était adorablement gentille…
Elisa se marie à Pigüé le 18/03/1895 avec Louis Jules Volpellier né le 11/10/1870 à Nîmes, Gard.
Une photo de famille nous dévoile un très beau couple ; Anastasie frêle et sensible et Louis, un beau Provençal ! Faisant une petite entorse à mes recherches aveyronnaises, par sympathie pour Ricardo, je lance quelques investigations à Nîmes et en Provence, région d’origine de Louis.
Louis Volpellier arrive à Pigüé en 1890 en compagnie du Nîmois Léon Roumieux, qui serait son demi-frère d’après la famille (de nombreuses et très fortes présomptions existent pour supposer qu’il en est ainsi). Louis, qui avait appris le métier de photographe à Nîmes, tout naturellement, le continue à Pigüé, « Maison Paris ». Louis avait une très bonne instruction générale et, en plus de la photographie, s’intéressait au cinéma, bien sûr à ses balbutiements à l’époque. Aussi, il tient à Pigüé un café, le « Bar Paris », dans lequel on pouvait accéder par l’intérieur à une salle de projection de cinéma. Louis se procure cet appareil probablement à San Vicente. Là, un Argentin, ami d’un proche de Louis, artiste séduit par les premiers essais cinématographiques des frères Lumière, fabrique les premiers appareils de projection d’Argentine. La famille de Ricardo raconte qu’à cette époque l’électricité n’existant pas à Pigüé, c’est un groupe électrogène qui permet de passer les films ; le surplus d’électricité était reversé à la ville pour contribuer à l’éclairage de l’avenue Casey. Quant au bar, hélas, il a subi un incendie et seule une photo peut encore témoigner des lieux avant ce dommage.
La douce Elisa vit dans le sillage de son Nîmois et Provençal de mari, et tout laisse à penser qu’il avait la faconde méridionale bien marquée. Elle donne naissance à 10 enfants, dont 6 à Pigüé où, selon les dires de la famille, une petite naît dans une pièce attenante à la salle de projection.
Les Aveyronnais installés à Pigüé parlent « le patois » et c’est avec grand plaisir qu’ils assistent aux spectacles où l’on déclame des poèmes en Provençal, avec aussi une certaine fierté de comprendre une langue jusqu’alors quelque peu dépréciée et valorisée grâce à la notoriété jusqu’à Pigüé du félibre Frédéric Mistral. Mais à Pigüé, l’auteur des poèmes est Louis Roumieux, le « félibre de la tour Magne » (nom de plume Louiset ou Lois), poète nîmois, grand ami de Frédéric Mistral et père de Léon. C’est un homme de grande instruction, latin, grec, qui fit des recherches intéressantes sur les liens entre les langues française, espagnole, catalane et occitane. Dans le journal El Independiente du 13 octobre 1901 et du 29 juin 1902, apparaissent deux contes en Provençal « Fraire Bourtoumiéu » et « Un avugle e soum chin ». Léon Roumieux et Louis enseignent à Pigüé dans une école (ou collège ?). Parmi les cours dispensés, outre le français, il y a l’espagnol car les Aveyronnais, récemment arrivés, comprennent vite l’urgence d’apprendre la langue espagnole !
Quant à notre couple Louis Volpellier et Elisa Carbonnet, ils s’installent ensuite à Bahía Blanca où ils terminent leurs vies.
Elisa interpelle notre curiosité. Elle a gardé toute sa vie cette toile de peinture de La Bessenoits, Firmi, peut-être une manière de dire à ses fils et filles, « n’oubliez pas !! ». Ce rappel silencieux, Ricardo «l’a entendu » en entreprenant ses recherches. Nous espérons qu’un jour il pourra venir visiter les terres ancestrales des siens, l’Aveyron et la Provence, deux régions françaises au charme certain.
Quant à moi, ses recherches m’ont énormément passionnée car, outre le fait de faire une recherche généalogique, j’ai pris plaisir à découvrir quelques anecdotes sur le Pigüé des deux premières décades du 20ème siècle et à modestement « donner vie » à ses deux personnes Elisa et Louis qui franchement invitent à la sympathie.
En guise de conclusion, une belle histoire toujours concernant Firmi.
De la Bessenoits, ont aussi émigré en Argentine Jean Marie Casimir Euillades et son épouse Louise Laura Anaïs Nègre de Saint Cyprien. Une fois veuve, Anaïs continue à partager son temps entre Buenos Aires et de longs séjours à Firmi. Aussi, lorsque le curé de La Bessenoits décide de restaurer le clocher, Anaïs participe avec d’autres à l’acquisition d’une cloche dont elle est d’ailleurs marraine le 21 août 1949. Ainsi au cœur de l’Aveyron, est gravée une cloche au nom d’Anaïs née à Saint Cyprien et morte à Buenos Aires.
INCROYABLE MAIS VRAI : la dite cloche est sous le double patronage de Notre Dame de Lourdes en France et de Nuestra Señora de Lujan en Argentine.
Mais, que sonne-telle ? Bien sûr l’amitié Aveyron -Argentine !!
Eliane Albouy, le 14 septembre 2015
Je tiens à remercier chaleureusement mon amie Viviane de Decazeville pour son aide précieuse et quelques personnes de La Bessenoits qui m’ont permis d’enrichir la recherche en réveillant leurs souvenirs enfouis et ressurgis avec joie.