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Récit de la traversée des familles aveyronnaises

Récit de la traversée des familles aveyronnaises

Récit de la traversée des familles aveyronnaises qui ont embarqué à Bordeaux le 24 octobre et sont arrivés à Buenos-Aires le 30 novembre 1884.

Ces familles étaient sous la garde et la protection de François Issaly. Ce dernier a tenu un journal décrivant la traversée.
Ci-dessous la traduction d’un extrait du livre d’Eva Olga Pérez Issaly, descendante de François : Francisco Issaly de Aveyron a Pigüé, écrit à partir du journal.

"La traversée sur le Belgrano dura 38 jours et se fit dans des conditions très difficiles. On entassa dans la cale du bateau, sans aucune hygiène, les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes gens, la totalité des groupes d’Aveyronnais et d’Espagnols. Circonstance aggravante : il n’y avait pas de lits pour tous. Pendant les premiers jours, François Issaly aida le menuisier à faire des planches pour construire les cabines manquantes. De plus, les passagers étaient rationnés en eau et en nourriture : François Issaly essaya d’obtenir quelques litres d’eau supplémentaires par l’intermédiaire du cuisinier qui lui répondit que s’il avait demandé du vin ou des liqueurs, il aurait pu lui donner quelques bouteilles mais que de l’eau, il ne pouvait pas. François Issaly s’adressa alors aux mécaniciens qui acceptèrent de lui donner un peu d’eau chaque jour. Pour cela, deux personnes devaient pomper l’eau qu’ils recevraient sur l’entrepont. L’opération s’effectuerait le matin, très tôt, à l’insu du commandant. Mais un jour, celui-ci trouva les familles entrain de se laver et de prendre de l’eau sur le pont. Il ordonna qu’on les fasse partir mais comme celles-ci restaient sur le pont, il sortit son revolver et menaça de les brûler avec les pompes à vapeur. Devant la gravité de la situation, l’officier de garde appela François Issaly qui se présenta sur le pont devant le commandant. Celui-ci lui dit de faire arrêter le pompage d’eau sinon, il déchargerait son pistolet sur lui et il brûlerait avec la pompe à vapeur quiconque demeurerait là. Alors, depuis la porte d’entrée de la salle des machines, François Issaly cria à deux Espagnols qui étaient entrain de pomper, d’arrêter et il demanda à tous de se retirer. Rapidement, Français et Espagnols se retirèrent de l’endroit sans qu’il y ait eu de drame. Le commandant accepta qu’on leur donne quotidiennement une petite quantité d’eau douce pour les enfants. Peu de jours après, deux pères de famille, Joseph Ferrand et François Bertrand eurent une discussion au sujet du pain dont les rations étaient insuffisantes. François Issaly en avait fait part au boulanger qui avait répondu qu’il faisait la quantité qu’on lui demandait de faire. Une fois, Ferrand, voyant que Bertrand prenait deux pains et demi pour dix personnes alors que lui n’en avait qu’un seul pour le même nombre, l’insulta et le fit tomber. Une grande bagarre éclata. François Issaly s’adressa directement au commandant. Il mentionna les incidents passés, disant qu’il n’admettait pas que sur un bateau de ligne, des passagers qui avaient payé leur billet, aient reçu de telles menaces. Il poursuivit en parlant de la distribution du pain. Chaque famille avait le droit d’en recevoir selon ses besoins comme l’indiquaient les contrats. Le commandant demanda à voir un exemplaire du contrat où il put constater la véracité des dires d’Issaly. Il ordonna au boulanger d’augmenter la quantité de pain. Celui-ci refusa, disant que cela dépassait ses possibilités. Le commandant dit alors à François Issaly que si, dans le groupe, il y avait quelqu’un du métier, il pourrait travailler moyennant salaire. Emilio Bras et Cyprien Cussac se mirent au travail avec tant de succès que le boulanger du bord, craignant d’être définitivement remplacé, accepta de fabriquer le pain en quantité suffisante. Malgré toutes ces difficultés, ils arrivèrent tous à Buenos Aires dans la matinée du 30 novembre1884 .